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Discussion avec

NICOLAS BAIER

Ces humains et leur point de vue unique sur la vie nous inspirent. Une bonne raison d'en savoir plus.

Crédit photo: Roger Lemoyne

Nicolas Baier vit et travaille à Montréal. Considéré comme l’un des artistes contemporains les plus importants du pays, ses œuvres ont fait l’objet de nombreuses expositions individuelles et collectives et il a réalisé une trentaine d’œuvres d’art public. Depuis plus de 30 ans, son travail s’inspire de la science et se base sur des données objectives, auxquelles il ajoute une dimension philosophique. Diffusée dans l’espace WANT Les Essentiels de notre boutique du Mile-End, son œuvre vidéographique, Procession, est envoûtante à bien des égards. Discussion.

Votre démarche s’inspire de la science, qui peut sembler être aux antipodes de l’art de prime abord. Qu’est-ce qui vous a mené à joindre les deux?
Je ne suis pas d’accord avec la formulation de la question. Trop souvent, notre conception est faussée. La science (et les scientifiques) sont beaucoup moins rigides qu’on ne le pense, et les artistes le sont certainement un peu plus. L’art et la science nous ont aidés à sortir de nous-mêmes. Ces deux pratiques ont en commun l’idée d’observer et de comprendre ce qui nous entoure, ce qui nous compose, de la plus petite échelle à la plus vaste et lointaine. La science nous a extraits du narratif des religions. Même si elle est loin d’être toujours utilisée à bon escient, je la vois comme étant salvatrice. Elle nous a permis de retirer nos œillères et d’ouvrir ainsi nos horizons, de tendre vers le savoir et de voir plutôt que de croire. L’art a été un outil, de propagande entre autres, de ces religions. Mais il a su, ici et là, s’en affranchir et s’épanouir en utilisant tous les champs possibles de l’expérience du réel. Nous essayons de comprendre ce qui compose l’aventure du vivant. La conscience a inventé ces deux pratiques pour nous y aider.

Procession (2019)

Avec Procession, quel message vouliez-vous transmettre?
Je ne suis pas friand de cette expression : le message. Je ne suis le porte-étendard de rien. Je crois que je ne fais que diriger le regard ou suggérer un angle de vue. Avec Procession, une vidéo échafaudée en montage parallèle, ce qui est montré est simple : d’un côté, un corridor de serveurs, de l’autre, la forêt. Entre les deux, le temps, l’évolution… L’idée était de mettre côte à côte deux entités qui se rejoignent. La technologie, fait - à mon avis - intrinsèquement partie de la nature (comme tout), les outils créés par l’humain inclus. Je ne vois pas de contradiction, plutôt une continuité. Je ne parle pas de dessein mais d’une implacable réalité. Il m’arrive de me poser ces questions: dès la première milliseconde du big bang, le concept de la vie et de l’intelligence étaient-ils déjà inscrits dans les molécules? La technologie y était-elle incluse aussi? La complexité d’une ferme de serveurs, avec leurs CPU, leurs GPU, leurs cartes mère, leurs disques durs, les câbles qui les relient, les logiciels qui les habitent, l’électricité qui les nourrit, ne fait pas le poids contre l’arborescence des arbres, des branches, racines, champignons, faune, eau, air, lumière, photons, terre, vers, insectes, microbes, etc. J’utilise la forêt comme un symbole. C’est mon acteur fétiche, ces temps-ci. Avant d’investir les grottes, elle était probablement notre espace de vie. Il paraît d’ailleurs que ce sont les nuances de verts que nous percevons le mieux. Était-ce pour mieux survivre dans la canopée? Je place donc main dans la main ces deux entités : notre habitat originel, et celui par le biais duquel nous traverserons désormais nos vies. Les ordinateurs ne nous quitteront plus. Remplaceront-ils tout? Et qu’en sera-t-il de notre libre-arbitre? Je trouve ahurissant l’utilisation du terme “déshumanisé”, pour décrire cette salle de serveurs pleine d’ordinateurs, pourvue de son système d’aération et de ses planchers grillagés en sections, alors que c’est, en fait, tout ce qu’il y a de plus humain.

Comment Procession (2019) se positionne-t-elle par rapport au reste de votre travail? Quel regard posez-vous sur l’évolution de vos thématiques et du traitement de vos œuvres si l’on remonte à l’an 2000 par exemple, et la Biennale de Montréal?
Le lien est l’idée du temps. Elle est omniprésente dans mon corpus. Dans Procession, j’aime penser qu’on se déplace en lent traveling avant dans le même lieu, le même espace, et que ces deux lieux ne sont séparés que par le temps. Vous mentionnez le travail que j’avais accroché lors de la Biennale de Montréal, en 2000. Il y avait là aussi l’idée du temps. J’avais photographié une chambre, du même point de vue, pendant ce qui pouvait sembler être plusieurs semaines. En mélangeant les prises de vue, on obtenait un instantané d’un lieu dans le temps. J’aime penser que je raffine mon langage avec les années, que je le simplifie aussi. J’essaie de plus en plus de faire au plus clair, conceptuellement et formellement.

05-06-07 (2000), à La Biennale de Montréal

Au cours de ces deux dernières décennies, les avancées technologiques ont fait un bond de géant. Entre nature et technologie, où placez-vous l’humain?
Je le place au cœur de ces bouleversements. Il en est l’instigateur, le lien. Je vois l’humain comme un géniteur à outils. Il en est le créateur, le bénéficiaire et la victime. Bientôt, je crois que ces outils n’auront plus besoin de l’humain pour se régénérer, et la frontière de ce qui définira alors un être vivant sera floue. Déjà, certains logiciels engendrent leur propre mise à jour. Certaines applications se sont auto-procréées des milliers de fois. Se "répliquer”, n’est-ce pas pour beaucoup ce qui désigne le vivant?

Qu’est-ce qui vous émeut dans la vie?
Notre finitude, et le courage qu’on affiche face à l’inévitable. La pensée que l’univers lui-même et tout ce qu’il renferme soient condamnés. Tout le construit, le pensé, l’articulé, l’imaginé, le défini, et le dessiné s’effaceront. La moindre trace de tout disparaitra. Et nous avançons quand même. Ça me fait penser aux moines tibétains et leurs rangolis, des mandalas de sable coloré qu’ils effacent dès qu’ils l’ont terminé.

Pouvez-vous me parler de vos projets en cours?
Je travaille sur les mêmes concepts mais j’essaie d’élargir mon regard. Je veux utiliser de plus en plus de technologies de pointes (pour ne jamais être trop loin de notre ennemi :)) Je préfère ne pas en dire plus…

Que peut-on vous souhaiter pour 2024?
De pouvoir montrer le fruit de mon travail au plus grand nombre, et la santé.

Point de fuite (2022), Vases communicants (2023)

Suivez @nicolas.baier sur Instagram pour en apprendre plus sur son travail et ses expositions. Cette collaboration a été réalisée avec l'aide d'Erika Del Vecchio et de Blouin Division.